La salle était enfin prête, et tout se déroulait très bien avec Tessa Driss. Grace voulait y aller doucement, faire passer d'abord les patients les plus calmes pour obtenir un peu d'expérience avant de tenter les cas les plus difficiles, mais c'est à peu près à ce moment qu'elle remarqua, sur le cou du Music Meister récemment arrêté, les brûlures. Il portait un collier qui lui administrait une décharge électrique à chaque fois que sa voix dépassait un certain seuil, ce qui était nécessaire pour la sécurité de tous, mais... Le musicien tenait tellement à chanter qu'il ne pouvait pas s'en empêcher. Même la douleur ne l'arrêtait pas, et Grace ne supportait pas de le voir ainsi. Sa salle n'avait pas pour but premier la thérapie, même si elle devait en être un adjuvant. Elle voulait tout simplement rendre la vie à l'asile aussi agréable et aussi normale que possible, pour que ses patients puissent se projeter dans une reconstitution du monde extérieur et s'imaginer, un jour, reprendre le cours de leur existence précédemment malmenée. Ils avaient tous été rudement secoués par la vie, et un peu de douceur et quelques soins ne leur ferait pas de mal. Sans s'en rendre vraiment compte, elle s'était attelée seul à cette tâche qui demandait, à Arkham, une bonne dose d'optimisme... Ou un manque total de lucidité.
Elle avait conscience de marcher sur des œufs avec son nouveau projet. Il était impopulaire parmi le personnel comme au sein de la population lorsque les journaux étaient tombés sur l'affaire et l'avaient publiée. Le scandale avait été court, vite oublié, mais violent. Elle en était encore choquée. Elle avait même reçu des lettres de menace qu'elle avait dissimulées. Elle ne voulait pas que l'opposition prenne appui dessus.
Elle respira un grand coup, lissa sa blouse blanche et tourna l'angle du couloir. D'un signe de tête, elle salua le garde qui devait les escorter, en le gratifiant également de son si gentil sourire. Peut-être était-ce lui qui donnait aux gens qu'elle croisait à l'asile l'impression qu'elle était innocente et idiote, ou peut-être était-ce vrai. Au final, elle s'en moquait un peu. Elle cherchait à bien faire et elle devait croire en sa propre réussite pour avoir une chance d'y arriver. Ils traversèrent un nombre incalculable de corridors dans le dédale délabré d'Arkham, et se séparèrent au niveau de la fameuse salle de récréation.
« Bien. Je vous attend ici. Toquez à la porte quand vous reviendrez, je serai sûrement occupée à l'intérieur. »
Le garde hocha la tête et partit, suivi par un « merci beaucoup ! » qui résonna dans le couloir froid et retomba à plat faute de réponse. Elle ouvrit les épaisses portes en bois et se glissa à l'intérieur. Le parquet était propre, la lumière entrait à flots par les fenêtres. Elle sourit en repensant au temps passé à nettoyer et à remettre en état le lieu, et à quel point leurs efforts avaient payé. Puis, sans se laisser plus longtemps le loisir de bâiller aux corneilles, elle s'affaira à préparer le dossier du patient, qu'elle ouvrit sur le bureau avant d'en sortir quelques fiches concernant sa pratique artistique et de les placer sur le côté. Elle prépara aussi plusieurs stylos, un blanco et un stabilo. Le plus dur restait à venir. Elle avait loué, à ses frais bien sûr (comme la totalité du projet qui avait dévoré les quelques économies qu'elle avait constituées depuis le début de son contrat), un clavier électronique qui l'attendait debout contre le mur dans sa housse de protection, son pied replié à côté de lui. Elle mit un moment à parvenir à installer tout ça, et encore plus à réussir à l'allumer et à s'assurer qu'il était en bon état de fonctionnement. Elle avait pris quelques cours de piano étant enfant, et elle s'amusa à rejouer une des comptines qu'on lui avait apprises.
C'est à ce moment qu'on toqua à la porte, pas du bout des doigts mais à coups de poing vigoureux. Elle en déduit qu'il ne s'agissait pas d'un curieux mais de son gardien, revenu avec le patient qu'elle voyait aujourd'hui. En effet, dès qu'elle leur proposa d'entrer, les deux hommes s'avancèrent dans la pièce. Elle eut un grand sourire et vint remercier le garde, avant de proposer sa main à serrer à l'autre.
« Bonjour Monsieur Meister, et enchantée. Je suis Grace Waterhouse, nous nous étions croisés rapidement l'autre jour... »
Elle posa son autre main contre le bras du gardien.
« Merci, Jérôme, vous pouvez retourner à la loge. », dit-elle avant de se tourner à nouveau vers le Music Meister.
« Je voulais vous proposer de faire partie d'une petite expérience que j'effectue ici... J'ai cru comprendre que vous souhaitiez continuer à vous entraîner au chant pour ne pas perdre votre niveau, ce que je comprends tout à fait. »
La porte claqua derrière Jérôme.
« … Je vais donc désactiver votre collier, temporairement. Vous aurez une heure pour chanter à votre guise. La salle est insonorisée, et je porterai des bouchons d'oreille, je suis désolée mais j'espère que vous comprenez que nous prenions ces précautions. » Elle lui lança un regard légèrement interrogatif, de crainte qu'il prenne mal tout ce qu'elle venait de lui dire. Si elle avait appris une chose à Arkham, c'était qu'une crise d'hystérie n'était jamais loin. Mais il semblait relativement équilibré pour le moment, elle décida donc de lancer l'expérience, et, en lui envoyant un sourire encourageant, se dirigea à nouveau vers le bureau, ouvrir un tiroir et en sortit des boules quiès. Elle avait pris soin d'acheter les plus efficaces qu'elle avait pu trouver, et elle ajouta un casque antibruit sur ses oreilles pour faire bonne mesure. Puis elle saisit la clé du collier du Music Meister.
Elle s'approcha de lui, en tenter de maîtriser son souffle qui s'emballait sous la pression. Elle serra les doigts sur la clé pour les empêcher de trembler, vérifia du regard que la porte était bien fermée, et leva la main vers la gorge du chanteur pour déverrouiller la serrure du collier, qui tomba au sol dès qu'elle tourna l'instrument.
Au même moment, son œil capta un mouvement au fond de la salle. Elle tourna la tête vers l'endroit d'où il venait et vit avec horreur la porte s'entrouvrir sur Jérôme, visiblement venu lui poser une dernière question. La même expression de réalisation soudaine s'afficha sur leurs visages. Le temps semblait figé. Elle s'imagina un instant lui crier de partir, mais elle savait pertinemment qu'il était trop tard. Elle se revit dans le cauchemar qu'elle avait vécu avec Edward Nygma, et le choc lui donna un coup de fouet. Elle agrippa l'uniforme de Music Meister, comme si elle pouvait le maîtriser physiquement et l'empêcher de charmer Jérôme, qui restait bouche bée à la porte, terrassé par la situation qu'il avait créée. Elle se contenta d'une réaction qui manquait cruellement d'originalité.
« Non !! »
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Un violent sursaut le parcourut tandis qu’une douleur intense traversa son cou. Il ne comptait plus le nombre de fois où son collier s’était déclenché depuis qu’il était entré à Arkham. On ne le lui retirait que dans sa cellule insonorisée, un infirmier venait alors soigner les brûlures qui dévastaient sa gorge, et les douches. Un gars de la sécurité ne le quittait pas dans ses moments d’intimité, prêt à lui envoyer une forte dose d’anesthésiant si jamais il avait l’audace d’ouvrir la bouche. Il était condamné au silence. Le silence était une bête horrible, présente partout et en tout temps, quand les hommes laissent leurs lèvres closes et leur âme inquiète.
Patrik ne pouvait pas se le permettre, pas quand on avait ce don merveilleux capable de charmer tous les hommes et les femmes de la terre. Sa voix était un don fait par la musique pour l’humanité toute entière. Cependant, l’être humain l’avait rejeté et enfermé alors que le mélomane, sentant la vieillesse s’approcher, décida de trouver un héritier. Il était tombé en enfer, sans son Eurydice. Si Orphée avait retrouvé sa douce aux Enfers, Music Meister était cruellement et désespérément seul. Une jolie blonde décida d’offrir un instant de répit à l’homme à la chevelure de feu. Ce dernier avait été surpris, et ce n’est pas peu dire et c’était dépêché d’accepter l’offre. Il avait vaguement entendu parler du projet de la jeune femme. Permettre aux patients d’exercer leur patient (dans les limites imposées par l’asile) et il aurait fallu être stupide pour ne pas deviner ce que le « Maitre de Musique » aimait. Il restait encore à savoir ce qu’on allait lui permettre de faire.
Il chantonna doucement « Ah ! Les crocodiles », dont il percevait la mélodie de l’autre côté du couloir, jusqu’à ce qu’il traverse la porte, rudement coupé par un gardien qui le poussa sans force pour l’encourager à entrer. Patrik ne se fit pas prier, ni même lorsqu’elle lui proposa de se serrer la main. Cependant, son regard ne se fixait pas sur les individus mais sur la merveille au centre de la pièce. Il admirait le clavier électronique. Cependant, loin d’ignorer Grace, il s’amusa à analyser sa voix, comme pour la graver dans sa mémoire tandis que le dénommé Jérôme quittait la pièce. Le rouquin lui répondit enfin d’une voix calme bien qu’impatiente :
- Vous ne savez pas ce que vous ratez miss, mais je comprends et vous avez toute ma gratitude pour me permettre d’exercer mon talent. Je saurai profiter de votre cadeau.
Il vient offrir sa gorge innocemment, les yeux clos, tandis qu’il se mettait à réfléchir à la manière dont il pouvait réellement profiter de la chance qui lui était donné. La pièce était fermée et elle n’entendrait rien de ce qu’il chanterait. Peut-être devrait-il simplement se laisser aller à des vocalises et… Le bruit métallique du cadenas qui retombait au sol fut aussi doux que le son d’un violoncelle. Il se sentit si libre quand il oublierait presque où il était. Cependant, lorsqu’il ouvrit les yeux et aperçut la petite porte s’ouvrir, il se rappela que son talent devait profiter au monde. Il devait partir d’ici et il devait partir maintenant. Ô oui, il saurait profiter de son cadeau. Il ouvrit la bouche tandis que Grace criait en s’agrippant à lui. Elle avait une voix douce et sonore, sans doute aurait-elle été une bonne chanteuse. Qu’importe, sa voix atteindrait Jérôme et atteindra les autres par cette simple porte ouverte. Il suffirait simplement qu’assez de personne serait touché pour lui permettre de quitter les lieux dans un grand spectacle. Il posa ses yeux sur elle avant de laisser sa voix transporter Jérôme et ceux dans le couloir.
- J'ai pris ton âme dans mes mains. Tu vois, maintenant je te tiens.
Jérôme sembla s’immobiliser tandis que la voix du Music Meister montait de plus en plus haut. Il vient poser ses mains sur les poignées de la jeune femme pour la forcer à le lâcher et vient doucement la pousser avant de la ramener contre lui d’un geste sec. Puis, il vient glisser une main sur sa taille avant d’entamer quelques pas, la forçant à le suivre. Il dansait avec elle, lui intimant des pas dans un rythme dont il était le seul connaisseur.
- Et abracadabra, Devine qui tire les ficelles ? Vois, ma chanson t'ensorcelle. Oui, sans le savoir tu chancelles.
Sa main se glissa dans la sienne tandis qu’il l’observait de ses deux orbes, bleu et brun. Il la pousse de son torse et de son bassin, glisse ses jambes entre ses cuisses pour la forcer à se pencher comme dans une valse improvisée.
- Écoutez le son de ma voix, Nul doute vous n'aurez pas le choix. Capturez par ma chanson, Vous chanterez sans cœur ni raison.
Et là, Jérôme se mit à chanter, élever la voix, dans des vocalises rauques et soutenus. Le musicien poursuivit tout en les redressant, lui et la jeune femme.
- J'ai ce qu'il te faut pour bouger, Les sons modulés pour te faire plonger. Et toi tu dis où ça ? Les mains levées devant toi.
C’est là, que tout bascula dans une véritable comédie musicale et Grace en fut la pauvre témoin, observant son collègue danser, sans expression.
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Message envoyé le : Mer 28 Sep - 19:18
Grace Waterhouse
No one's beyond help
Grace était horrifiée autant que fascinée. Elle avait commis un terrible impair, et elle n'était pas du tout en état de le réparer. Jérôme avait l'air d'un pantin sans vie aux mains des notes de musique qui l'ensorcelaient et elle-même ne pouvait s'empêcher de mouvoir son corps au rythme des portées qu'égrenait le terrible chanteur. La peur et l'humiliation lui cuisirent les joues et elle sentit les larmes monter à ses yeux.
Elle ne pouvait pas échapper à la mélodie. Elle était partout, les ondes résonnaient contre le palais de l'artiste, contre les murs de la salle, contre les boules quies inefficaces qui vibraient contre ses propres tympans, étouffant tous les autres sons mais vaincues face à la puissance de la voix du chanteur. Elle avait une impression presque nauséeuse de vagues de musique confondues, un son impérieux mais malsain, qui rendait fou en emplissant le cerveau jusqu'à la limite de l'implosion.
Mais elle comprenait. Elle comprenait enfin comment il était devenu qui il était. Cet homme ne pouvait pas penser autrement, se représenter le monde autrement, la musique était trop forte. Si elle résonnait dans son crâne aussi fort que dans celui de Grace, il était totalement normal qu'il soit obnubilé par ses propres notes. Il y était aussi accro qu'un toxico, et elle, sotte qu'elle était, elle lui avait juste permis de replonger de plus belle, et en emmenant tout l'asile avec lui dans la foulée ! Elle s'en voulait affreusement. Elle aurait dû écouter toutes les mises en garde de ses collègues plus expérimentées. Elle n'avait pas fait les choses avec assez de sérieux, assez d'organisation, assez de … Quoi que ce soit !
Elle tenta de murmurer quelque chose, mais ce furent des notes de musique claires et frêles qui s'échappèrent de sa bouche, au lieu du chuchotement qu'elle entendait produire presque plus pour elle-même que pour le prévenu. Les mots lui paraissaient étrangers, même s'ils relayaient bien l'idée qu'elle souhaitait transmettre :
« Je vous en prie, Ne partez pas d'ici, Soyez sage, Rentrez dans votre cage ! »
Ce n'était pas du tout ainsi qu'elle avait voulu s'exprimer, mais l'influence du mélomane névrotique l'avait subjuguée et elle ne parvenait à communiquer qu'à travers le prisme de sa vision à lui. Son regard se troubla de larmes à nouveau alors qu'elle croisait celui, vide et froid, de Jérôme. Pourquoi ne tentait-il pas de raisonner le maester ? Est-ce que le fait de danser la gardait éveillée ou est-ce que Patrick avait décidé de ne pas la faire totalement sombrer dans l'inconscience ?
L'instant avait viré au cauchemar et la salle à la scène. Grace avait l'impression d'être perdue au milieu d'un univers de flashs colorés, ensevelie au milieu d'un orchestre grondant. Elle ne put qu'incliner la tête sur l'épaule de son cavalier improvisé et y répandre ses sanglots. Elle continua de suivre ses pas, gracieuse, dynamique, comme elle l'était dans la pratique de tout sport. Elle entretenait son corps aussi bien que son esprit, même si les deux en avaient pris un coup à son arrivée à Gotham. Et continuaient d'en souffrir... Elle tenta une nouvelle supplique.
« Ne faites de mal à personne, Je vous en conjure, De votre voix si pure, Qui dans nos oreilles résonne... »
Elle n'y connaissait pas grand-chose en musique, et sa voix manquait de puissance. Elle était plutôt du genre à écouter de temps en temps de la musique classique, mais surtout des morceaux instrumentaux pour accompagner ses séances de yoga. Le style du Music Meister lui était inconnu et il était très étrange d'entendre de tels arrangements sortir de sa propre gorge. Mais le sortilège infléchissait son ton, courbait ses intonations pour leur donner la forme de la musique que le chanteur voulait entendre d'elle.
Messages : 263 Date d'inscription : 16/06/2016Métier/Occupation : Post-doctorante en psychologie à Arkham
Il se sentait tellement libre, malgré qu’il se trouvait toujours à Arkham mais le plus difficile était déjà fait. Tout à cause de cette pauvre fille, qui avait oublié où elle se trouvait. Plus que l’Asile d’Arkham, ils étaient à Gotham City, et à Gotham, mieux valait afficher des crocs qu’un beau sourire. Il l’écouta attentivement tandis qu’il voyait d’autres individus dans le couloir se mettre à danser aussi. Ce n’était pas suffisant, il devait propager sa voix dans tout l’asile pour pouvoir s’échapper. Il devait laisser sa voix s’étendre partout dans la bâtisse. Ainsi, ces gentils psychiatres, la sécurité, les patients, tous le conduiront au bateau pour le ramener à Gotham. Ça serait la fin de cette scène, et le spectacle reprendrait ailleurs. L’asile n’aura été qu’un simple interlude et il pourrait la retrouver. Il sourit et répondit au tac au tac à la petite blonde.
- Retourner dans ma cage ? Et simplement tourner la page ? Du crime, j’en suis l’image. Il vaut mieux craindre ma rage.
Son rythme était rapide tandis qu’il la baladait dans la pièce. C’est bien ce qu’il pensait, ses boules quies bloquait assez ses ondes pour lui permettre de garder un certain contrôle sur ce qu’elle chantait. C’était une délicieuse tentation que de chanter pour lui et elle y cédait, sans vraiment la réalité, sans vraiment luter. Elle pouvait juste chanter, danser et pleurer. Il posa brièvement sa main dans son dos, la laissant utiliser son épaule pour mieux la guider.
- La musique ne fait de mal à personne. Il ne s’agit que d’accord, d’une perfection du rythme, que d’émotion modulée. Je pars et tu vas m’y aider, conduis-moi à Jeremiah Arkham.
Il se saisit de son bras et la conduisit à l’extérieur de la pièce. Il devait continuer à chanter. Il en avait besoin. Sa voix avait été retenue trop longtemps. Arkham, le silence, cela le tuait à petit feu. Il devait chanter, ne pas le faire le tuer. Cela lui était aussi vital que de respirer. La musique ne faisait de mal à personne, après tout, mais lui en avait fait. Il en avait conscience, mais il devait continuer à le faire. Il devait sauver la musique, il en était le gardien. Il devait agir, il était prêt à tous les sacrifices pour elle, celle qui hantait ses pensées. La seule qui le comprenne vraiment, qui connaissait ses tourments et qui l’avait prit pour amant.
- It's getting too crowded here Cela devient trop étroit ici
All alone and playing with my fear Tout seul et jouant avec mes peurs
I don't want this anymore Je ne veux plus de ça
I've tied myself down to the floor Je me suis ligoté moi-même au sol
I need you to sing. J'ai besoin que tu chantes pour moi
Sing for me Grace Chante pour moi Grace
Sing the right from wrong Chante le vrai du faux
Here inside my mind Ici dans mes pensées
Truth is hard to find La vérité est dure à trouver
Si dure. Combien de fois s’était-il demandé s’il était réellement fou ? Cela lui semblait tellement irréel, son pouvoir était vrai, ses raisons justes, mais est-ce que ses extrémités ne le plaçaient pas comme un exemple parfait du fou à l’instar de Jonathan Crane ou d’Edward Nygma ? Non, il n’était pas égoïste. Il n’était pas fou. Sa musique était généreuse, universelle. Un monde sans musique, c’était ça la vraie folie.
- Sing for me, sing for me. Chante pour moi, chante pour moi.
Et tout le monde chante alors, pour lui, car c’est ce qu’il désire. Tout ce qui passe près de lui chante tandis qu’il court presque avec Grace, attendant qu’elle le guide d’un pas gracieux, tel une nymphe. Il rajouta alors, plus pour lui-même que pour les autres dans un rythme bien différent, comme pour s'encourager. Il ne devait pas échouer. Il ne le supporterait pas.
- I'm singing till I'm winning. Imma sing all night Je chante jusqu'à ce que je gagne. Je vais chanter toute la nuit
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Sing For Me par Tarja Turunen
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Message envoyé le : Mer 19 Oct - 15:21
Grace Waterhouse
No one's beyond help
Grace paniquait. Elle avait l'impression d'être une pauvre poupée de chiffon entre les mains du criminel, et elle ne pouvait que l'écouter et plonger de plus en plus profond dans la transe que son chant provoquait chez tous ceux qui l'entendaient. Il traversa la salle et elle tenta de résister, mais elle était incapable de ne pas poser en rythme ses pieds contre le sol, serrée contre lui et les oreilles pleines de ses mélodies. Elle était sous le charme. Elle souhaita un instant qu'Edward Nygma soit là. Il aurait eu la capacité de réfléchir, peut-être de trouver une solution malgré les notes ensorcelantes du magicien, alors qu'elle devait se contenter de se laisser promener le long du grand miroir qu'elle avait fait installer. Elle détourna les yeux de leur reflet, gênée par l'image qu'il lui renvoyait. C'était sa faute et tout l'hôpital allait en souffrir. Elle ne parvenait même pas à imaginer quelle serait sa punition. Les journaux allaient se déchaîner dès qu'ils apprendraient qu'un patient s'était échappé, et la direction trouverait certainement une punition appropriée pour la responsable. A cette pensée, son cœur se serra et elle retint son souffle pendant quelques secondes, le temps de se donner une contenance pour faire face à celui qui avait profité de sa gentillesse, de sa naïveté, pour démolir à grands coups l'ordre instable qui régnait à Arkham.
« Je vous en prie... »
Elle avait l'impression d'être une simple voix de choeur et de chanter au diapason du spectacle principal incarné par l'artiste qu'était le Music Meister. Elle pouvait supplier tout ce qu'elle voulait, elle savait bien qu'elle avait autant d'influence sur lui qu'une chanson normale sur la plupart de la population : très limitée.
Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et lorsqu'elle ne put plus les retenir, elle bascula la tête en avant pour cacher son visage contre l'épaule de Patrik pour les cacher. C'est dans cette position qu'il lui ordonna de le mener à Jeremiah Arkham et qu'ils valsèrent hors de la salle.
« Je ne sais pas où il est... »
C'était un mensonge, et la gamme mineure dans laquelle elle l'avait chanté sonnait aussi faux que son rapport à la réalité. Pourtant, elle devait gagner du temps, faire en sorte que quelqu'un, quelque part, parvienne à avertir qui de droit, à trouver de quoi mettre hors d'état de nuire le criminel. Mais malgré sa terreur, elle ne pouvait s'empêcher de se demander... Pourquoi lui en voulait-on autant ? Il avait la musique en passion, et même s'il avait perdu de vue les conventions sociales et la limite entre bien et mal dans sa quête effrénée, il ne souffrait que d'un rien, un grain de sable qui l'avait fait dérailler et partir sur le mauvais chemin... Pouvait-on encore le sauver, lui permettre de reprendre une vie normale, de chanter comme il le souhaitait si ardemment ? Elle voulait y croire, mais peut-être était-ce là sa propre folie. L'espoir, ce sentiment qui vous fait faire des absurdités, qui vous mène à votre perte parce que vous croyez trop fort en votre rédemption. Ou en celle des autres.
Elle chanta, en réponse à son ordre. Elle chanta de toute la pureté de son cœur, son petit cœur qu'on maltraitait quotidiennement à Arkham où elle voyait des horreurs à longueur de journée. Elle chanta son espoir, sa peine de voir ainsi des êtres pleins de potentiel échouer à le réaliser et se retrouver piégés ici comme empêtrés dans une gigantesque toile d'araignée. Ce faisant, sans qu'elle s'en rende compte, ses pas les guidaient vers les quartiers privés de Jeremiah Arkham. Les gardiens qu'ils croisaient tentaient vainement de s'interposer avant de se lancer dans des figures de danse compliquées et de se mettre à les suivre en une queue leu leu infernale. Dieu merci, ils ne passaient pas près des cellules des patients.
« Si vous tentez de vous échapper, Ils ne vous laisseront plus jamais chanter... »
C'était là au final le cœur du problème. Elle ne l'avait pas réalisé plus tôt, mais elle avait aussi peur pour lui que pour elle. Il se trouvait dans une situation très dangereuse : si son échappée ratait, il était possible que les médecins décident qu'il représentait un danger trop grand tant qu'il avait encore sa voix. Il n'était pas à l'abri d'une opération qui lui retirerait toute possibilité de chanter comme il le faisait. Sans parler des mois en cellule d'isolement à la suite d'un incident pareil. A côté, ce qu'elle-même aurait à supporter faisait pâle figure.
Messages : 263 Date d'inscription : 16/06/2016Métier/Occupation : Post-doctorante en psychologie à Arkham
Danny avait à peine poussé la porte de l’entrée de service qu’il se retrouvait en plein carnaval. Le hurlement strident et menaçant d’une sirène d'alarme lui vrilla les tympans avec une telle intensité qu’il ferma momentanément les yeux. Quand il les rouvrit, ce fut pour constater que le chaos s’était emparé d’Arkham. Des hommes et des femmes couraient en tous sens, agités comme les abeilles d’une ruche dans laquelle on aurait collé un coup de latte. Ils beuglaient des ordres dans leur biper ou s’adressaient des gestes amples les uns aux autres, pour tenter de communiquer malgré le bruit, la fureur, la panique. La lumière blafarde des néons et le bleu piquant des uniformes accentuaient la pâleur des visages, la peur tordaient les traits en masques grotesques. C’était vraiment bizarre de voir les bouches s’ouvrirent et se fermer sans entendre leurs véritables paroles, remplacées par le long cri d’une Arkham offensée, attaquée. Une cauchemardesque pantomime.
Mais Danny avait entendu ce son tellement de fois, dans les prisons, au milieu de toute heure du jour ou de la nuit, qu’il n’en avait plus peur. Bien au contraire. Comme à chaque fois qu’il devait affronter une situation de crise, une longue et puissante décharge de froide adrénaline l’envahit. Ses membres vibraient et chauffaient, tandis que son esprit demeurait calme et lucide. Une faculté qui lui avait bien souvent sauvé la vie. Concentré, il n’entendait presque plus l’alarme. On verrait plus tard pour les formalités d’usage, la remise de l’uniforme, le choix du casier dans la salle de repos. Il y avait un putain de malade en liberté dans les couloirs de l’institut, et si le sort s’acharnait, qui risquait de continuer son chemin jusqu’à Gotham.
Il jeta en hâte son sac sur la première table en métal glacé à sa portée et attrapa un garde qui passait par les épaules. Trois mots pour se présenter et justifier de sa présence dans les locaux. Un regard assuré et voilà que Danny apaisait le flot de paroles désordonnées qui bondissait des lèvres blêmes du jeune homme affolé. Dix secondes plus tard, il savait ce qu’il devait savoir. Un détenu s’était bien évadé. Il faisait chanter et danser tout l’établissement, littéralement. Il avait même pris un membre du personnel en otage. Une jeune femme blonde du nom de Grace. Il n’en fallait pas plus pour que les poings de Danny commencent à le chatouiller.
Meister. Patrick Meister. Le mélomane mégalomane.
Son nom résonna dans la tête de Danny comme une comptine et aussitôt, toutes les informations qu’il avait mémorisé à son sujet avant de venir à Arkham se déversèrent dans son esprit en un flot pressé, mais ordonné. Il se dirigea rapidement vers son sac et plongea ses mains à l’intérieur, tout en réfléchissant. Un psychopathe de tueur en série, maltraité et exploité par sa famille qui avait vu en son talent une manne inestimable. Ce en quoi ils n’avaient pas tort. Danny n’avait jamais vraiment aimé la musique. Alors autant dire qu’il ne portait pas dans son cœur les gens qui s’en servaient pour manipuler et tuer vingt-huit personnes. Des innocents.
Des lueurs rouges dansèrent devant les yeux de Danny. Il les chassa d’un geste. Pas maintenant. Il fallait qu’il reste concentré. Si Meister avait réussi à se faire la malle, c’était qu’il avait réussi à se débarrasser de son collier électronique, d’une façon ou d’une autre. Cela voulait dire qu’il avait retrouvé ses dons hypnotiques. Au bout de quelques secondes, Danny tomba sur ce qu’il cherchait. Des boules quies renforcées. Il se les était procuré dans un magasin spécialisé en plongée sous-marine dans les hauts fonds. Mais il n’avait pas encore eu l’occasion de les tester.
"Mieux vaut tard que jamais.", marmonna Daniel en se les fourrant profondément dans les oreilles.
Bon. Il n’entendait plus l’alarme. C’était déjà ça. D’ailleurs, il n’entendait plus rien, même pas sa propre respiration. Juste les longs battements mesurés de son cœur. Il accrocha à sa ceinture une matraque et enfila l’étui qui contenait son revolver par-dessus son T-shirt noir. Enfin, il chargea son arme avec des balles en plastique anti-émeute. Il glissa aussi dans la poche de son pantalon militaire des balles réelles. Prudence est mère de sûreté.
Évidemment, il connaissait Arkham sur le bout des doigts. Il avait appris les plans par cœur, allant même jusqu’à mémoriser les dimensions de certaines pièces et couloirs. Déformation professionnelle. Il allait à Arkham comme on part au combat, il s’était préparé depuis des mois. Et visiblement il avait bien fait de prendre ses précautions. Autour de lui, un semblant d’organisation se profilait. Pas besoin de savoir lire sur les lèvres pour comprendre que la dernière info brûlante était que le mégalo allait se rendre dans les appartements privés d’Arkham. C’était le centre nerveux de l’hôpital, là où se trouvait, entre autres, le tableau qui commandait les alarmes. Et le haut-parleur. Le temps que tout ce petit monde décolle et intervienne, il serait peut-être trop tard. Il exposa en quelques mots ses intentions au chef de la sécurité qui lui lança un regard sévère, étonné puis vraiment reconnaissant. Tu m’étonnes. Il donna un biper à Danny qui le clipa rapidement sur sa ceinture avant de foncer dans les couloirs à la vitesse de l’éclair. Le plan était simple : il allait couper la route du rouquin fou en passant par les escaliers de service et le ralentir avant l’arrivée de l’artillerie lourde. C’était fou, c’était très dangereux.
Mais putain, qu'est-ce que ça lui avait manqué !
Arrivé au bon étage, il entrouvrit doucement la porte dissimulée donnant sur le couloir. Personne pour le moment. Bien. Il allait rester tapi dans l’ombre jusqu’à l’arrivée du dingue. Il dégaina son arme et s’accroupit, bras tendus, le chien désarmé, un œil sur le couloir, mesurant sa respiration. Ne rien entendre était son principal atout. Mais s’il ne faisait pas attention, ça pourrait devenir un sacré handicap. Espérons que tout se passerait bien. A ce moment précis, un homme mince, très grand, doté d'une chevelure rouge vif improbable entra dans son champs de vision. Danny le reconnût immédiatement à ses traits coupés au couteau, presqu'androgynes et à sa démarche légère, rythmée, dansante. Aucun doute, c'était bien lui. Il tenait tout contre ses flancs une femme frêle aux cheveux d'un blond presque blanc. Elle pleurait. Elle pleurait et ces larmes de peur et d'impuissance, luisante comme des diamants sous les néons, contrastaient avec son pas aérien presque joyeux et la faisait paraître encore plus jeune et désespérée. Le coeur de Danny s'emballa dans sa poitrine. Quel enfant de salaud.
Les lèvres de Meister, entrouvertes, bougeaient, se modulaient, avec une aisance désarmante. Danny n'entendait rien et pourtant il pressentait déjà le pouvoir incroyable de ce taré. Rien que ses mouvements, ses gestes étaient hypnotiques. Danny s'arracha à sa brève contemplation en secouant la tête. Il se redressa brusquement et fit irruption dans le couloir, juste sous le nez du rouquin, l'arme levée, en beuglant.
"Patrick Meister, arrêtez-vous et relâchez immédiatement l'otage !"
Posté au milieu du couloir en position défensive, un pied derrière l'autre, les genoux légèrement fléchis, les bras durs comme du bois, il lui avait purement et simplement coupé la route à ce malade. C'est alors qu'il vit des silhouettes dans l'ombre de Meister. Ils avançaient tous en rythme, en chantant et en dansant, comme des putains de marionnettes de film d'horreur. Mais ils étaient lucides. On pouvait lire une terreur sans nom dans leurs yeux. Ils étaient nombreux. Vraiment nombreux. Beaucoup trop nombreux.
Putain de merde.
Danny réajusta sa prise sur son arme et plongea ses yeux bleus glacés dans ceux de Patrick Meister.
"Rectification. Je vous ordonne de relâcher immédiatement LES otages." Il jeta un coup d'oeil à la petite Grace qui tremblait de tout son corps dans les bras du névrosé. Il murmura alors "Je te jure que si tu leur fais du mal, je t'attrape et je te tonds. T'as compris, le magicien ?"
Il pria alors pour que ses boules quies valent vraiment le prix qu'il les avait payé.
Messages : 16 Date d'inscription : 01/10/2016Métier/Occupation : Garde de Sécurité - Vigile à Arkham