3 - LES GROUPES

« Psychiatre : dément dont l'idée fixe est de guérir d'autres déments. » - Georges Elgozy

On a tous une bonne raison d'avoir fini là-dedans. L'odeur est tenace, après le service. Un parfum âcre et désagréable d'antiseptique, de poussière, de rouille s'accroche aux vêtements pendant des jours. Des semaines. La pourriture, aussi. Combien de corps cachés dans les couloirs secrets du vieux château ? Il faut baisser les yeux. Regarde donc ton dossier, toi qui a sué sang et eaux pour un emploi acceptable.

Ils sont cuisiniers, agents d'entretiens, administrateurs, secrétaires ou psychiatres. Peu ont choisi d'être là. Mais ils y sont, désespérés de sortir l'âme de cette prison. Le salaire est bon. Aussi bon qu'ailleurs. Peut-être mieux. La prime de risque. L'appât du gain. Il faut les faire rester ces pauvres hères qui hantent comme de vieux spectres les grandes salles d'Arkham.

Combien de temps avant de se faire arracher les yeux ? Combien de temps avant la folie ? Avant la mort ? Il faut être fou pour travailler parmi les fous. Il faut avoir foi. Et Dieu semble avoir abandonné depuis bien longtemps les murs de l'immense bâtisse.

Les privilégiés de ce siècles. Les témoins du Mal dans son œuvre la plus géniale.

« Madness is the emergency exit. » - Alan Moore

Tous méritent cent fois les feux de l’Enfer. Tous ont été horreur et cruauté. Ils ont perpétré leurs crimes au nom du sordide et de la démence. Ils sont malades, fous, hystériques, schizophrènes, névrotiques, psychotiques, atteints, timbrés, frappadingues. Et le vivent bien.

Parfois, la prison n’est pas le meilleur endroit où contenir leurs délicates pulsions. Parfois, le lieu le plus sûr pour eux seraient les tréfonds de la Terre. Parfois, un juge à la patte un peu trop légère fait démonstration de zèle. Alors on frappe un dossier du rouge tampon « Elisabeth Arkham Asylum » et l’affaire est expédiée. Destination Gotham City.

Sous calmant, attachés comme des chiens dans de larges camisoles de force, ils ne volent pas haut, nos grandes stars des médias. Nos grands criminels. Mais jamais ne se fier à leur triste mine, car la tranquillité n’est qu’apparente. Ces fauves en cage. Ces monstre scellés. Tous ont une excellente raison d’être là. Il serait alors préférable de se méfier du lion qui dort. De surtout, Ô grand jamais, surtout ne pas tendre la main au Diable. Au risque que ce dernier ne vous la croque.

« La seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de bien. » - Edmund Burke

Lorsque la corruption a commencé à suinter jusqu'aux bureaux judiciaires de Gotham, lorsque le viol et le meurtre furent banalisés, un homme, seul contre tous, s’est soulevé face la Pègre et ses hommes. Et comme le preux chevalier qui défend la veuve et l’orphelin, celui-là promit de rendre justice aux citoyens de la ville.

Des années plus tard, d’autres héros masqués rejoignirent cette croisade contre la criminalité grandissante. D’autres justiciers qui offrirent à leur tour leur vie pour la vertu. Pour purifier la ville. La purifier du mal qui la rongeait.

Leurs origines sont diverses. Le plus souvent, ils n’ont aucun pouvoir. Seulement leur courage et une foi inébranlable en l’honnêteté. Leur identité n'est connue que de quelques privilégiés. Leurs noms font le tour des médias. Ils sont le souffle de Gotham. L'espoir de ses citoyens.

Toutefois, nul ne doit se faire justice soi-même. Et ces héros anonymes font de l’ombre à la police locale. Si la GCPD a appris à travailler en étroite collaboration avec eux, beaucoup restent perplexes. Beaucoup pensent que Justice n'est pas l'affaire de hors-la-loi. Des malades costumés qui se battent contre d'autres malades costumés. Quel cirque, lisons-nous sur le Gotham Times !

Qu’importe leurs origines, leur passé, leur principes. Sans eux, Gotham serait différente. Sans eux, Gotham ne serait pas.

« Au banquet de la corruption, l’or vaut plus que la foi ! » - Jacques brillant

La police de Gotham. Aussi homogène que de l'eau dans de l'huile. Ils sont la loi de cette ville, le visage de sa société. Et c’est un secret pour personne ; La police locale s'est depuis longtemps abandonnée au vice et à la débauche. Depuis des années, elle s’enrichit de pots-de-vin, de rackets et de trafiques illégaux. Depuis des années, elle sert de chien de garde à la Pègre qui gérait, à l'époque, les moindre de ses mouvements.

Cependant, depuis l’arrivée des justiciers dans la ville, certains flics idéalistes et intègres peuvent à nouveau s’exprimer, sans crainte de répression des mafias locales. Des hommes qui, sous la pieuse bannière du commissaire Gordon, se complaisent dans une justice plus équitable, une honnêteté plus stricte.

Les hommes du commissaire Gordon semblent enclins à se laisser guider par l’omniprésence des justiciers. Ils collaborent et se complètent au nom de Gotham. Néanmoins, certains, plus réfractaires à la précieuse aide du Batman et de ses alliés, ont décidés de les élever au rang de criminels, au même titre que Double-Face, le Joker ou Poison Ivy. C’est le cas, par exemple de l’inspecteur Harvey Bullock et de ses hommes.

La concurrence est rude. Le partage de la ville, difficile. Louons le courage de ces héros du quotidien. Leur détermination. Leur volonté. Tant que la patte peut rester blanche.

« Excellent ! Il est entreprenant, agressif, excessif, jeune, insolent, vicieux… L’idéal ! » - Anthony Burgess

Ils crachent, ils mordent, ils sont vilains et pas très sympathiques. La faune locale est variée. Meurtriers, violeurs, trafiquants, voleurs, psychopathes. Arkham ? Une vraie passoire, maugrée notre petite chauve-souris préférée. Et à raison : Un tiers des criminels en balade sortent fraîchement d'entre ses murs.

Mais une généreuse poignée de la raclure de Gotham semble affiliée à la Pègre, de la petite frappe sans avenir au gros passant de drogue international. La Pègre. Une organisation regroupant tout le crime organisé de la ville. S’y joignent la plupart des gangs, comme celui du Pingouin, de Black Mask ou de Pile-ou-Face. Avec eux s’allient les mafias italiennes et russes qui ont mains mise sur une majeure partie de la GCPD.

Bien qu’une fragile entente lie les différentes organisations qui regroupent la Pègre de Gotham, une tension palpable les maintient en constante concurrence. Règlements de compte et exécutions de masse animent les rues de Gotham d’une peur croissante. Gare à l'innocent qui longe les murs poisseux de sa ville. Il n'y a plus une ombre qui ne vous veuille pas de mal.

« La masse est toujours anonyme et irresponsable. » - Carl Gustave Jung

Citoyens ! Le temps exige de se montrer fort. Plus fort qu’eux. De prouver que le bien est un choix possible. Que la corruption n’est pas inéluctable. Que la lumière peut percer dans les ténèbres avides. Le combat n’est guère aisé et les embûches sont nombreuses. Cependant, le Ciel a envoyé ses miracles et il est un devoir que de se soulever contre la tyrannie du mal et du vice.

Magistrats, journalistes, fonctionnaires, médecins. Du plus miséreux au plus élevé. De toutes les couleurs, de toutes les musiques, de toutes les formes. Chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, satanistes, wiccans. Qu’importe les origines ou le nom. Ils font partie de cette danse, de ce bal des horreurs. Participants bien malgré eux de la grande sarabande des fous.

L’appât du gain, du pouvoir et de la gloire atteint toutes les sphères. Et à défaut de vivre en dépit de tout, certains choisissent précautionneusement le chemin de la facilité. Ils ne sont pas criminels. Mais ils savent jouer avec ce feu pour arrondir des fins de mois Ô combien difficiles.

Qu’importe. Tout le monde finit par obtenir ce qu'il mérite. Et il n’est que question de temps avant que les anges aux trompettes célestes n'emportent les justes tandis que le purgatoire engloutira les démons hilares.