Biographie Je me tiens en face de lui, il sirote un gin tonic en me fixant avec son regard de rapace. Il a un sourire prêt à te mordre aux lèvres. Il me fascine comme il me file la chair de poule. Ce gars, il paraît qu'il bouffe ceux qui se tiennent pas assez droit devant lui.
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J'aimerais être le gars au mille vies, t'sais quoi !? Vivre à cent à l'heure ! Haha, ça te dirait pas, toi ? A droite, à gauche, changer de vie comme de chemise. Non ?- Pas spécialement. "
Son regard change. Il a toujours autant l'air d'un rapace, mais d'un coup, on dirait que je ne l'intéresse plus. Il bat nerveusement sa jambe sous la table, agrippé à la paille de son gin.
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Non… T'es banal toi. T'es chiant comme la pluie. Tu peux pas comprendre. "
On sait pas ce que ça fait d'être dans sa vie. Il détourne la tête, avec un rictus qui ne présage rien de bon.
"
Tu connais pas la passion… il commence à marmonner en battant toujours la musique. Je reconnais Water of Nazareth de Justice,
je te plains, mais t'as de la chance, je suis prince alors je vais partager. "
Il est comme ça, Jahan. Il parle tout le temps, il raconte sa vie à tout bout de chant, mais tout le monde dit qu'il raconte jamais la même. Quand on le voit, c'est savant mélange entre Pete Mitchell, Dorian Gray et Bruce Wayne. Le genre golden-boy qui a la gueule et le talent. Ca doit le fatiguer, il fait égérie pour une pub de parfum et il paraît qu'il passe ses soirées à picoler. C'est ce qu'on dit, mais y'a personne qui connaît la face cacher de l'iceberg.
"
Ca me fatigue d'avoir des pisseuses au pied. T'as pas idée comme c'est l'angoisse d'être adulé, tiré de tous les côtés. On te veut, on te désire. T'es le meilleur. Je les hais. Il m'étouffe. Je m'imagine leur couler la gueule dans l'eau des chiottes pendant qu'elle me suce. Quoi ? Ca te dérange ?"
Je dis rien. Souvent avec Jahan, c'est pas la peine de répondre. Il attend et il finit par sourire, comme on répond un clébard qui a bien obéit.
Jahan Collins.
Il paraît qu'il est né en Irlande à Baile an Fheirtéaraigh et personne n'est foutu de le prononcer correctement. Il a beau le dire, il prend pas le temps d'apprendre aux autres parce qu'il s'en tape. Il s'en tape parce que pour lui, il est plus irlandais. Il est iranien par sa mère, mais il a pas la culture. Il l'a toujours dis. Il se sent américain. Il a été naturalisé quand il a eu dix huit ans.
"
J'ai pas vraiment vécu en Irlande, très tôt, on a déménagé aux Etats-Unis. A New York, puis à Chicago et on a finit à Gotham. Mes parents voyagent. Ma mère est couturière et mon père fleuriste. A Gotham oui, tu peux trouver la Fleuristerie Collins. Le petit bonhomme au dos vouté, c'est mon père. Ma mère… Tu risques pas de la rencontrer. A droite, à gauche, du Moyen-Orient à l'Europe, elle est sur les défilées ou dans son atelier. "
Y'a une nana qui dit que c'est un prince caché, mais n'importe qui goberait n'importe quoi avec ses yeux en ambre liquide. Une fois, j'ai entendu dire que son père était taxi et qu'il a apprit l'anglais en vendant des selfi-stick. On l'imagine plutôt fils de grand reporter et de réalisateur à succès, mais il dit qu'il faisait des bouquets quand il a rencontré Christian Dior. Quand t'es en face de Jahan, tu crois que ce que lui te dit.
" C'est ton vrai nom, Jahan ?"
Il a l'air absorbé par un truc par dessus mon épaule, mais il me répond quand même, comme si je venais de l'insulter.
"
Ca fait pas assez exotique pour toi ?- C'est pas ça, mais dans un journal, on t'a vu sous un autre nom.
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Tu lis quoi comme ramassis de conneries ?"
C'est vrai pourtant, on l'a vu dans des blogs people à la con avec un pseudonyme, mais il a déjà publié un livre sous un autre nom, alors ça se tenait. Il est célèbre, Jahan. Sous le nom d'Athanase, mais il est connu. Maintenant, son pseudo, c'est juste pour la frime. On sait que c'est le même gars. Il a écrit un bouquin complètement trash sur la vie d'une nana qui lui ressemble un peu trop et ça lui a réussi. On le voyait avant, il faisait le pilier de soirée et il a finit par se faire une réputation avec ses discours pour seul arme. Quand t'as des yeux princesse, tu peux obtenir ce que tu veux de n'importe qui, mais y'avait pas que ça, chez Jahan. Les mauvaises langues le voient comme un rapace opportuniste, mais ça doit être sa force. Il sait où être. On a déjà entendu dire qu'il avait vécu dans un milieu trop pauvre et que ça lui sortait par les yeux, mais ç'a l'air trop naturel pour lui d'être dans la jet set.
Moi, ça me semble logique que sa mère ait été couturière, il avait le gout du champagne au palais avant d'avoir celui de la gloire.
Jahan, c'est un requin. Il aurait pu être boursier. Il se sépare de son gin pour piquer avec hargne dans un canapé façon cocktail. Pourtant, il fait jour et il est même pas onze heures, mais Jahan, il tape déjà dans l'alcool.
"
Pourquoi t'es venu me voir ? Il me demande, agressif avec une voix de miel. "
Tout le monde sait que Jahan aime les Etats-Unis. Il est pas resté irlandais ou iranien. Il s'est fait adopté par le rêve américain et tout le monde sait pourquoi. On devient qui on veut, aux Etats-Unis. C'est ça qui le fait rester ici. C'est ce qu'il aime, Jahan, être qui il veut, quand il veut. Et plus c'est dingue, mieux c'est.
Personnellement, je pense que c'est la vie de sa mère et ses déménagements qui lui ont donné le gout du renouveau éternel. A force d'être trimballé, devoir se présenter, encore et encore, ça l'a peut-être rendu neuf.
" Parce que tu connais tout le monde, je réponds, sans accroc dans la voix. "
Bon point pour moi, je lui arrache un sourire flatté. C'est comme ça qu'il faut faire avec Jahan, le caresser dans le sens du poil. Il paraît qu'il connaît Falcone et Sionis, y'en a même un qui certifie qu'il a un lien avec Batman. Ouais… Mais personne connaît vraiment Jahan. Il continue de mâcher sa paille en se balançant en rythme de gauche à droite. J'arrive pas à savoir s'il veut jouer ou si c'est le live de Daft Punk qui l'agite et puis il s'arrête quand la playliste à Jupiter. Saké. C'est pas la plus connue de Jupiter. Il se balance différemment.
"
Et tu t'attends à ce que je t'aide, c'est ça ? "
Moi, je préfère croire que Jahan s'est fait tout seul. Il dément qu'il a fait des études de psychologie, mais une nana dit qu'elle était avec lui à la fac de Chicago. Jahan, il dit qu'il a fait des études d'ingénieur du son. Ca lui ressemble plus, mais il a arrêté. Il aime trop la musique pour vouloir en faire un métier.
Je me rends compte que ça fait un moment qu'on sait pas trop ce qu'il a fait. Depuis ses vingt ans, personne saurait dire ce qu'il a fait clairement.
Je sais qu'on en peut rien demander à Jahan sans contrepartie. Il demande jamais, mais tu sais qu'il exige. C'est vicelard, mais il y arrive toujours. Ceux qui l'ont vu faire m'ont dit que c'était pas croyable.
"
Tu crois que tu vas survivre ? Sa voix claque à m'en faire sursauter, t
u crois que t'es faits pour Gotham ? Elle te bouffe si tu l'as bouffe pas le premier. Les pétasses vont te foutre au sol si tu leur marche pas dessus le premier, alors commence à te débattre. Je t'ouvre la marche, si tu marches derrière.- Comme à Chicago ?
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Ouais… il répond avec un sourire de chacal,
comme à Chicago…"
Faut pas passer derrière Jahan. A la fac, il avait un club. Un club à la poète maudit où ils fumaient un peu ce qui leur passait sous la main. Il a l'air en trop bon état pour avoir tapé dans des drogues plus lourdes, mais tout le monde dit qu'il avait une sale plume. C'est pour ça que c'était le leader. Il aurait laissé personne être devant. Pourtant, il gérait un journal en même temps. Ou un fanzine. C'est lui qui choisissait qui entrait. Si t'étais pas assez bien, tu entrais pas dans la bande. Ca avait de la notoriété. Il paraît que certains se souviennent du journal, quand il se présente. Une nana l'aurait vu rougir, mais quand je le vois, j'ai du mal à y croire. On écoute Rose Rouge de Saint Germain, il a des côtés dandy cradingue. On a du mal à croire tout ce qui se dit des soirées. Il serait l'homme de toutes les femmes et la femme de tous les hommes, mais il veut pas qu'on le touche. Ca se voit dans ses yeux.
" Je voudrais que tu m'apprennes à écrire. "
Il éclate de rire, mais c'est narquois. Je sais que la demande est con, mais y'a que lui pour le faire. Il écarte son gin d'un revers de main et claque des doigts vers la serveuse sans même la voir.
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C'est pas savoir écrire, le souci. C'est de savoir le vendre et ça, c'est dans le sang. Je ne peux pas t'apprendre, mais j'ai le bras long. "
C'est facile pour lui, il a eu sa réputation de génie créatif. Après la fac, il a disparu de la circulation. Il a pas eu de diplôme, mais il paraît qu'il des connaissances en médecine et en aéronautique et qu'il aurait changé de ville pour recommencer, mais moi, je suis sûre qu'il s'est isolé. On l'a pas vu, pendant des mois. Deux ans.
Pour la plupart, c'est la célébrité qui lui a monté à la tête. C'était dans sa nature de faire le coq en montant sur les tables, mais y'en a qui trouve qu'il est devenu extrême.
On sait pas ce qu'il a fait, moi je sais qu'il s'est fracassé la tête jusqu'à trouvé le génie. Un gars affirme l'avoir vu dans une secte où on se prenait pour des chamanes, mais ça lui ressemble pas.
" Athanase est pas sortie de nulle part, si ç'a marché, c'est pas uniquement par la vente."
Il bat des cils comme une princesse. En fait, pour faire simple y'a eu Athanase.Juste le nom, comme ça, sur les rayons des librairies. " Athanase " On connaissait pas ce type. Il a sorti un putain de livre qui a s'est vendu comme des petits pains, ça eut un succès complètement dingue. On cherchait qui s'était ce gars et puis il est revenue. C'était lui Athanase. Quand tu connais Jahan, au final, c'est évident. Ce livre, c'est une partie de sa vie. Un livre complètement sale à la Last Exil To Brooklyn avec du charme à la Fitzgerald. Tant mieux pour lui, Jahan aurait pas supporté d'être un poète maudit.
Il paraît que deux trois mecs sont venu gueuler comme quoi c'était pas lui Athanase. Y'a eu des procès, mais ça c'est régler sans bavure. On a parlé de vol de manuscrit, ça fait du bruit à Gotham, mais Jahan a gagné le procès, s'est tiré avec le fric et le bouquin et ça été le gros lot pour lui. Ca craignait pendant un temps, de sortir avec lui, il avait des journalistes aux culs et des pleureuses qui voulaient des dédiasses. C'est le moment où il aurait pu devenir critique littéraire, on l'avait pressenti. C'est ce qui se dit.
Il joue les midinettes en se décoiffant nonchalamment, mais avec Jahan, c'est une habitude. On me l'a dit. Il fait son numéro sans s'en rendre compte.
"
Tu comptes me détrôner ou tu demandes ça innocemment ? Il susurre sans me regarder, mais je me raidis.
- Pourquoi tu dis ça ? "
En fait, je sais très bien. Le mec qui a prétendu que c'était lui Athanase en même temps que lui est porté disparu. On a voulu l'accuser, mais c'est tombé à l'eau. Faut pas lui prendre sa place. Il a l'air d'un gars précieux, mais il me fait peur. Un mélange entre un mafieux et un gigolo. Il paraît que son appartement sert pour accueillir les vieilles riches, mais personne n'est jamais allé chez lui.
On parle pas trop de justice avec Jahan. Si tu veux qu'il te garde dans son réseau, faut pas parler de ce qui fâche. On sait pas s'il s'entend trop bien avec le GCPD ou si c'est un réseau sous-terrain de la mafia qui le gère. D'autres diront qu'il est parrain, moi, je pense juste qu'il est débrouillard.
Il fait une drôle de tête quand Inigo Montoya passe à la radio, mais ça n'a pas l'air de lui déplaire, il préfère Vendredi sur Mer, c'est bien connu.
"
Je sais pas si t'as de l'audace où si t'es dingue. - Dingue ?
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Personne ne me demande jamais rien, il affirme ça avec un aplomb déconcertant."
Je suis peut-être dingue, mais surement moins que ce qu'on dit sur lui. Il paraît qu'il a une psychiatre qui le suit régulièrement. Les gens les plus proches de lui ne sont peut-être pas ses amis, mais c'est ce qui se dit. Il l'aurait depuis qu'il est revenue à Gotham. Je pense que c'est pour gérer son succès, mais ça se dit qu'il est dingue. C'est l'apanage des artistes, tu me diras. Jahan a toujours été grande gueule, de toute façon, depuis qu'il sait parler, il a toujours raconté des histoires. Il a jamais manqué de rien, c'est dans sa nature, faut qu'il soit héroïque.
Je peux pas m'empêcher de le fixer à en percer son âme, mais il aime pas ça. Il pianote des doigts sur la manche de son costard, en attendant que je continue. Il a l'air trop parfait, irréel. Ceux qui le voit depuis longtemps disent qu'il vieillit pas, comme s'il était coincé dans une éternelle vingtaine alors qu'il a plus de trente ans. Y'a un mec qui dit qu'il l'a baisé quand c'était encore une nana et qu'il s'appelait Jihane. Il a le visage si fin que j'étais prêt à le croire.
On m'a déjà dit qu'il avait fait un séjour en asile, où il se soignerait et se referait faire la gueule, mais je crois qu'ils ont confondu avec des cures de désintox'
Il a pas l'air malsain, juste susceptible.
"
Je vais t'aider. Si jamais t'es prêt à en payer le prix."
Je connais pas les prix de Jahan. Ca, personne les connaît. On sait tous qu'on lui doit plus ou moins quelques choses. Il a des airs de Charon a qui ont aurait donné un putain de tribu pour faire la fête dans les enfers. On pense qu'il a passé un pacte avec le diable et qu'il peut lui demander n'importe quoi puisqu'il a plus d'âme. Rationnellement, on pourrait croire qu'il fait pute pour les Falcone, mais il a l'air trop prude parfois.
Encore une fois, il a l'air complètement accroché par un truc dans mon dos, je pense que c'est une nana bien roulé, mais y'a personne quand je me retourne. Jahan a jamais été vu avec personne et en même temps, il est tout le temps accompagné. Je pense pas qu'on veuille lui mettre le grappin dessus, mais il paraît qu'une princesse indienne a voulu l'épouser.
C'est peut-être sa façon de me faire comprendre que le deal est conclu. Je me fais pas d'illusion, j'irais jamais chez lui et il me présentera jamais ses parents. On connaît jamais vraiment Jahan, c'est ce qu'il faut que je retienne. On sait qu'il a une gueule d'ange et qu'il est complètement pourri de l'intérieur.